Le "Made in France": réel atout ou slogan marketing ?

Il est un avantage concurrentiel pour les entreprises qui revendiquent le savoir-faire local et un gage de qualité pour les consommateurs. Mais, déjà failles et dérives se profilent à l'horizon. Alors, le « Made in France » est-il une stratégie gagnante pour l'entreprise ?

1. Le label « Origine France Garantie »

Il certifie le "Made in France".

Le label "Origine France Garantie" est né en 2011 d'une collaboration entre ProFrance et Veritas Certification.

Pour l'obtenir, deux critères sont nécessaires:

  • le produit doit prendre ses caractéristiques principales en France, autrement dit il doit être fabriqué majoritairement dans l'Hexagone
  • au moins 50% de la valeur ajoutée, c'est-à-dire du prix de revient unitaire de ce produit doit être acquis en France


Origine France Garantie

Ce label assure une information claire aux consommateurs concernant la provenance du produit afin de les inciter à acheter français. Il encourage la transparence et la traçabilité des produits et répond à leur attente. En effet, 90% des français estiment que "produire et acheter en France est un moyen de soutenir la croissance et l'emploi", et que "produire en France est gage de qualité et de respect des normes sociales"*.

Quant aux entreprises, le label confirme une bonne visibilité sur leur marché en plus d'un avantage concurrentiel.

Pour connaître la liste des produits Origine France Garantie, consultez le site Internet de Veritas France.

2. Un atout... et un frein pour le développement à l'export

A l'export, le label "Origine France Garantie" sert de certificat de qualité et un produit fabriqué en France est assimilé par le consommateur étranger à un objet de qualité.
Mais, si l'origine France rassure le client, elle ne l'incite pas à l'acheter.

En revanche, c'est une information à laquelle le consommateur est de plus en plus sensible. Quand le client achète du "Made in France", il espère évidemment retrouver les valeurs françaises. Car, il achète surtout une partie du savoir-faire français et s'attend naturellement à des qualités en adéquation avec cette image. En effet, cette spécificité tricolore, il la recherche jusque dans les moindres détails.

Cependant, d'autres secteurs comme le high-tech (Parrot ou Archos, par exemple) ou l'imagerie médicale (Etiam, par exemple) préfèrent cacher le fait qu'ils sont français. En effet, lorsque la conception reste hexagonale, les entreprises masquent leur origine. Elles ne veulent pas être pénalisées à l'export où elles font une grosse partie de leur CA, sans pour autant leur procurer, en contrepartie, un avantage sur le marché national. Et pour éviter d'être reconnues, elles privilégient même des noms de produits anglo-saxons, voire latins. Et leur maxime pourrait se résumer ainsi : "Pour réussir à l'export, avançons masquées !".

3. Le choix de la proximité et de la transparence comme stratégie

Pour certaines entreprises, garder un pôle fabrication en France est un avantage concurrentiel à l'heure de la mondialisation. Ce choix de proximité est avant tout stratégique comme Le Slip Français, par exemple, que nous retrouvons dans la vidéo ci-dessous et qui met en vedette ses produits autant que "faire le métier mieux que les autres en plus d'être made in France" :



En effet, il est important aujourd'hui pour rester compétitif de réduire le temps d'approvisionnement pour répondre à la demande. En plus, cette stratégie permet à l'entreprise de maîtriser la qualité et de promouvoir la recherche et le développement, tout en restant réactif aux aléas de la demande. Surtout que la Chine est une source de production de plus en plus chère et de qualité bien inférieure au savoir-faire français.
Ce qui explique qu'une production nationale retrouve toute sa légitimité.

Car, les évolutions incessantes du marché exigent de repenser constamment le modèle de gestion de la chaîne de logistique, en abrégé GCL (terme recommandé en France par la DGLFL) pour améliorer la flexibilité. Revenir à l'essentiel, à savoir le client et le mettre au centre des préoccupations. Ce qui implique à la production de s'adapter, d'où l'importance de la proximité. CQFD.

Le prochain salon Made in France aura lieu le 28 et 29 mars 2018 au Carreau du Temple à Paris un salon pour découvrir les savoir-faire des fabricants de la filière française en toute transparence.


Made in France

4. Les limites du "Made in France": la traçabilité

Le consommateur attache de plus en plus d'importance à la traçabilité du produit. Les clients aiment savoir qu'ils achètent français, ils y sont particulièrement attachés. Des études montrent qu'une majorité de Français sont prêts à dépenser 10 à 15% de plus pour avoir des produits "Made in France".

Seulement, la provenance des produits reste plutôt confuse et déterminer la part réelle de la production française s’avère une tâche excessivement complexe. Depuis des années, le "Made in France" perd de sa légitimité au profit d'une opacité pas clairement identifiée. L'Observatoire du "Fabriqué en France" souligne qu’qu’en moyenne le "Made in France" est à 69 % assemblé dans l'Hexagone contre 75% il y a dix ans**.

La plus grosse difficulté est qu'il n'existe aucune obligation de préciser l'origine des produits mis en vente sur le territoire français dès leur importation, pas plus lors de leur mise sur le marché national, sauf pour certains produits alimentaires et agricoles (fruits et légumes cultivés en France par exemple). Alors même que 9 Français sur 10 veulent un label plus strict***.

Et, pourtant, l'information sur l'origine du produit devrait être transparente. C'est cela qu'il faudrait défendre au niveau de la Commission Européenne. Malheureusement, dans les faits, c'est presque impossible: trop des produits finis sont un assemblage de composants venus parfois des quatre coins du monde.

Sans oublier que la qualité de réalisation varie considérablement d'un lieu de production à l'autre. Il suffit à chacun de comparer les produits qu'ils possèdent et consomment quotidiennement pour s’en apercevoir. Ce qui justifie pleinement l'enjeu de la traçabilité dans la sphère de la consommation nationale.

Pour s'en convaincre, prenons trois exemples de produit: les champignons de Paris, les couteaux Laguiole et le savon de Marseille. La dénomination familière laisserait croire qu'il s'agit de produits « bien de chez nous ». Que nenni ! Les champignons viennent en général des Pays-Bas, les fameux couteaux marqués d’une abeille arrivent de Chine et le savon de Turquie. Adieu valeurs rassurantes, bonjour casse-tête pour le consommateur français !
Les producteurs étrangers ont trouvé la faille pour profiter de l’image France tout en fabriquant chez eux: lancer des produits en y apposant des appellations qui n’ont pas été protégées.

Cependant, les plus retors sont les industriels français qui peuvent "nationaliser" des produits en se glissant dans les mailles subtiles du code des douanes. . En effet, en vocabulaire douanier, il convient de distinguer "l’origine" (endroit de fabrication) et la "provenance" (pays d’ où les produits sont exportés). Ce qui qui permet aux industriels français de provoquer un "changement de position tarifaire" du produit.
Exemple: une assiette de table fabriquée en Chine sur laquelle on appose en France un dispositif d’accrochage se transforme en article de décoration, change de position et peut ainsi revendiquer une origine française.

Conclusion

Face à de telles dérives liées en grande partie à notre propre absence de rigueur à l'arrivée de la mondialisation, le consommateur français ne peut même plus se fier sans crainte au "Made in France".

Quant à l'entreprise, elle reste libre d'exploiter et d'user de la marque, mais jusqu'à quel point ? Il est encore trop tôt pour dire si le vrai-faux "Made in France" finira par nuire au label légal "Origine France Garantie", mais il appartient à chaque entreprise d'en faire usage en toute connaissance de cause.

Pourtant, il est légitime pour le consommateur de s'interroger sur le bien-fondé du « Made in France » apposé sur de nombreux produits dans la fabrication desquels sont intervenus des facteurs de production provenant de plusieurs pays (composants, matières premières et diverses étapes de la fabrication).

Car, la réalité dépasse, et de loin, n'importe quelle fiction en la matière. Reste à l'entreprise à se positionner et au consommateur à faire preuve de vigilance.

Et, si vous avez une question ou besoin d'un conseil, n'hésitez pas à me contacter.


* selon l'enquête TNS Sofres, avril 2010
** Un observatoire du "Made in France" mis en place
*** Une étude CEDRE/Ifop du 21 novembre 2011 propose le regard croisé des consommateurs et des chefs d’entreprises français sur le "Made in France"

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