Le freemium, nouveau modèle commercial ou vielle formule ?

De plus en plus d’entreprises adoptent le freemium dans des secteurs très différents. S’agit-il d’un modèle qui a fait ses preuves ou d’une vieille formule remise à la sauce business en ligne ?

Qu’est que le freemium ?

Selon Le Mercator, 10e édition, c’est une politique de prix consistant à proposer gratuitement une offre et à se rémunérer sur des produits améliorés dits "premium" ou des produits complémentaires, tels que des prestations de service ou de la publicité.

Le mot "Freemium" est un néologisme mixant les deux aspects du business model : "Free" (gratuit), et "Premium" (payant).

Le terme est assez récent, il est apparu en 2006 et ce modèle est très populaire sur Internet (Meetic, Flickr, Viadeo, Pinterest, Twitter, Facebook…). C’est à un internaute que l’on doit la création de ce néologisme faite en réponse à la demande du blogueur et entrepreneur Fred Wilson qui demandait comment appeler ce modèle économique :Free + Premium = Freemium ?". Depuis, la formule est devenue courante.

Il existe plusieurs familles d'offres freemium : la limitation de temps (utilisation du produit gratuitement pendant un temps limité); limitation dans les fonctionnalités (une version gratuite plus simple que la version premium); limitation en volume (service est disponible dans son intégralité mais est limité en volume d'utilisation -pour plus, ils doivent payer-); le modèle "Matérialiste" (gratuit qui donne l'envie au client d'acheter le produit, comme par exemple, dans la diffusion gratuite d'ebooks par pdf, ou l'écoute gratuite de musique sur Deezer).


jeu en freemium

Les vertus du modèle pour les applications mobiles

Différentes études le confirme : les applications mobiles freemium poursuivent leur progression et ont la côte auprès des consommateurs. L'application gratuite proposée est certes limitée, mais elle est suffisante pour permettre au consommateur d’appréhender le produit (le journal, le jeu…) et de se faire un avis. Après, s’il souhaite accéder à la version complète, il faut payer. En parallèle, le premium stagne. Ainsi, l’écart n’a de cesse de se creuser entre les deux modèles.

La plupart des entreprises l’ont bien compris (et notamment pour les jeux), ce dernier est sans doute le système d’avenir pour rentabiliser enfin la production des applications mobiles.

Cependant, les applications freemium sont un contenu, avec une durée de vie limitée et un usage spécifique. Ce téléchargement permet certes d’accéder à une expérience, mais l’application n’est pas pour autant la propriété du consommateur. Ceci est vrai quelle que soit la nature de l'application, aussi bien personnelle que professionnelle…

En fait, les entreprises parient sur la rapide appropriation/attachement de l'internaute au service et surtout sur le fait qu'elles vont créer de la frustration lorsque l'utilisateur non payant arrivera à la limite des fonctionnalités disponibles ou de la période d'essai.

Toutefois, offrir une version gratuite « lite » de son application pour en faire payer une partie n’est pas une recette miracle pour engranger les bénéfices. Comme l’ont découvert quelques entreprises à leur dépend comme Deezer & Spotify, qui ont dû se résoudre à limiter l’offre freemium à un nombre de téléchargement limité sur une durée spécifique. Ainsi, les internautes inscrits furent forcés de passer à un abonnement payant ou de partir.

En plus, un point crucial demeure : la difficulté de choisir les fonctionnalités à proposer en payant, car elles doivent être suffisamment attractives pour déclencher l’achat.

Le freemium contribue au succès de certaines entreprises

Pour bien saisir l’ampleur du phénomène sur Internet, prenons 2 exemples de secteur spécifique :

  • A Le jeu vidéo
  • Selon Electronic Arts : l’avenir du jeu vidéo, c’est le freemium.

    La réussite du freemium dans le domaine du jeu repose principalement sur les qualités scénaristiques du produit, mais surtout sur le fait que le jeu doit pouvoir se jouer sans achat jusqu’à la fin. Seuls les meilleurs clients complètent le cycle du scénario au moins une fois. Surtout, ils sont prêts à recommencer l'expérience plus forts et plus aguerris, et iront acheter, avec des devises virtuelles ou réelles, un parcours enrichi et personnalisé. Le modèle freemium serait donc le plus efficace pour retenir les fans.

    Autre exemple : le français Gameloft dont les jeux sont téléchargeables gratuitement, mais seuls les premiers niveaux sont offerts. Le joueur doit ensuite payer pour poursuivre sa partie. Les revenus générés ainsi sont supérieurs à l'ancien modèle où le jeu était acheté une fois pour toute.. L'éditeur doit simplement gérer l'évolution du jeu dont la durée de vie peut ainsi être étendue presque indéfiniment avec un coût marginal des ventes additionnelles quasi-nul.

    Pourtant, le freemium est loin de faire l’unanimité parmi les joueurs. De nombreux joueurs détestent qu’on leur fasse ainsi les poches (cf. commentaires de l’article sur Gameloft).

  • B Les journaux en ligne

De plus en plus de journaux passent de l’abonnement ferme au freemium, qui combine un contenu gratuit à un contenu premium pour lequel les gens sont prêts à payer. Il s’agit de fidéliser une audience ciblée en ligne pour l’inciter à payer pour un contenu performant, répondant ainsi au double objectif de continuer à s'assurer une croissance rapide en termes de part de marché, tout en répondant aux besoins des professionnels désireux d’accéder à du contenu à plus forte valeur ajoutée, comme le Journal de l’Aviation par exemple.

La plupart des acteurs anglo-saxons de l'actualité spécialisée adoptent de plus en plus ce modèle qui répond non seulement aux nouveaux enjeux de la presse, mais aussi au défi de la mobilité galopante liée à la multiplicité des écrans connectés.
En seulement 20 mois, le Journal de l'Aviation s'est déjà hissé aux toutes premières places des médias aéronautiques tout en subissant une forte progression de son lectorat.

En ligne, les actus et les opinions vont probablement rester gratuites, soutient Juan Señor, partenaire d'Innovation International Media Consulting Group, et seront financées par la publicité. Mais les archives et les autres contenus premium peuvent être créées et exploitées de diverses façons.

En effet, en raison de la fiabilité de la source d'information, les clients sont parfaitement disposés à payer pour des rapports spécialisés dans leur secteur spécifique (guides scolaires, rapports consommateurs, étude sur un nouveau marché dans les quartiers de la ville...).

En plus, ceprincipe reste transférable pour d’autres types d’applications et exige spécifiquement quelques aménagements pour une exploitation optimisée, à l’exemple des deux précédents secteurs ci-dessus.

De la viabilité du modèle Open Freemium

La rentabilité d’une entreprise basée sur le freemium, dépend du nombre d’utilisateurs qui passeront de l’offre gratuite à l’offre payante. Avec un taux de conversion encore très bas, il semble évident que le nombre de téléchargements requis pour qu’une application génère des revenus suffisant de cette façon demeure élevé. Certes, miser sur la monétisation d’une base très réduite d’utilisateurs est encore un pari risqué, mais déjà profitable pour certains.

Pourtant, certaines entreprises en démarrage s’y sont cassé les dents, et renient ce modèle. Ce qui n'enlève rien au modèle et à sa viabilité dès l'instant où l'application est facilement maîtrisable et suffisamment optimisé pour retenir le consommateur assez longtemps pour créer l'addiction indispensable à son passage à l'action payante.

Selon une étude de NPD Group datant du printemps 2012, 40% des personnes qui téléchargent des jeux gratuits passent ensuite à la caisse pour continuer à jouer, acheter la version complète ou autre. NPD souligne même que les hommes sont plus dépensiers que les femmes, qui ont plus tendance à télécharger des applications gratuites. Ainsi, lors de la conception d’un jeu, il est primordial d'inclure les caractéristiques indéniables qui conduisent à la conversion rapide en paiement.

La plupart des personnes qui décident de passer à la version payante franchissent le pas au cours du premier mois d'utilisation de l'application mobile. Autre élément intéressant épinglé par NPD: les femmes sont davantage tentées par les freemium que les hommes.

Donc, Internet a non seulement bouleversé la façon de consommer du client, mais en particulier sa perception de la valeur et donc du prix qu'il est prêt à payer pour en acquérir plus.

Cependant, il n’existe aucun mécanisme pour satisfaire les joueurs adeptes du premium et les fans du freemium. Même si actuellement, ce sont les derniers qui remportent le succès.

Une formule qui date

"Le freemium existe depuis toujours : c’est le bout de fromage offert par le crémier, le premier verre de vin qui valide la bouteille, le stage d’essai d’un salarié. Ce que change la numérisation, c’est que beaucoup de produits sont en fait des médias qu’on peut tester de manière dégradée avant de passer à l’achat"», explique Olivier Bomsel, économiste, professeur d'économie industrielle à l'Ecole MINES Paris-Tech et Directeur de la Chaire Paris-Tech d'économie des medias et des marques.

A la source de ces réussites, deux éléments sont à prendre en compte :

  • pour constituer une communauté importante sur Internet, une marque qui fait le choix de proposer une partie de ses services gratuitement a donc plus de chances de rassembler rapidement les curieux (comme Google ou Meetic).
  • plus la taille de cette communauté sera importante afin que la minorité qui paie (les gros consommateurs de Skype, les photographes professionnels sur Flickr etc.) puisse, en quelque sorte, financer la majorité des free users.


paiement pour terminer

Conclusion

Si le freemium a l’air d’un concept nouveau, il ne l’est donc qu’en apparence. Ce qui ne devrait toutefois pas empêcher ce modèle commercial de continuer à s’imposer dans les années à venir. Car "l’ère du gratuit" promise par Chris Anderson dans son ouvrage "Free ! Entrez dans l’économie du gratuit" (éd. Pearson, 2009) trouve aujourd’hui ses limites.

Ce modèle tend à prouver que l’offre légale, même payante ou limitée, donne accès à plus de contenus et est plus qualitative qu’un téléchargement de façon illicite.

Ainsi une économie uniquement basée sur la gratuité semble impossible. Il faut toujours quelqu'un pour payer la facture.

Avant que ce modèle n'existe grâce au numérique, le consommateur était face à la seule possibilité offerte à lui : ne pas connaître le produit avant de l'avoir utilisé. Un risque diminué par la gratuité, qui n’est donc qu’un « tarif » parmi d’autres, assumé par l’entreprise.

Que ce soit dans le domaine du jeu, ou ailleurs, la tendance se confirme et poursuivra sa progression en même temps que l'augmentation des vente de supports mobiles, à savoir smartphone, tablette, voire phablette (maxi-smartphone, mini-tablette).

Et, si vous avez une question ou besoin d'un conseil, n'hésitez pas à me contacter.

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