Vers le web 3.0 : l'ère des changements de perception ?

Ces dernières années, de nombreux débats le concernant agitent la sphère Internet, alors même qu’on n’imagine pas encore les conséquences réelles de son intégration dans notre quotidien. Ses possibilités paraissent prometteuses et riches en perspectives, sa dénomination de web sémantique suit celle du web 2.0 qui se voulait plus social... Mais alors, que sera le web 3.0 qui se profile ? Quel intérêt pour les particuliers et les entreprises ?

Bilan du web 2.0

Le web 2.0 concernait principalement les usages inédits liés aux nouveaux outils proposés sur le web : les forums, les blogs, les wikis et les réseaux sociaux.

La multiplication des outils et leur simplicité de prise en main et de fonctionnement, additionnée à la diversification des périphériques de sortie (ordinateurs de bureau, ordinateurs portables, mobiles, tablettes, phablettes...) nt favorisé les interactions humaines et sociales en les rendant accessibles partout d'un simple clic / touché sur un écran.

Déjà, les technologies derrière le web sémantique poursuivent leur ascension et les prémices d'un web plus intelligent et standardisé émergent, débridant l'imaginaire collectif, parfois même au détriment de la logique convergente et technique déjà en marche.
Par exemple, les applications de réalité augmentée permettent de déporter du contenu Web et de le superposer au monde réel par le truchement d’un écran d’appareil photo de smartphone.

C'est quoi le web 3.0 ?

Le web sémantique (aussi appelé web 3.0) définit un réseau de données qui permet à des ordinateurs de comprendre la sémantique (c.-à-d. le sens) de l’information publiée sur le Web. Il étend le réseau de pages web compréhensibles par l’humain (p. ex. publiées en HTML) à celui des métadonnées compréhensibles par la machine et créent des liens entre ces différents contenus. Cela permet à des agents automatiques (bots) d’accéder au web de façon plus intelligente et d’effectuer ainsi automatiquement des tâches à la place des utilisateurs, voire répondre au mieux à leurs demandes spécifiques.

Le web sémantique permettrait ainsi aux machines de "comprendre" et d'utiliser de manière autonome les données qu’elles hébergent grâce à un système de métadonnées (donnée servant à décrire en langage machine une autre données) et à l’interconnexion des écosystèmes de données déjà existant (IMDB, Wikipédia…) et ceux à venir.

Et réussir à "automatiser tout cela, c'est fabriquer un web de données", explique Robin Berjon, le consultant français en standards web, actuellement au W3C depuis janvier 2012. "On parle d'ailleurs de moins en moins de web sémantique, mais plus de web des données, de linked data".

Quant au "web 3.0", toujours selon Robin Berjon, "il ne correspond tout simplement à rien : c'est peut-être un concept marketing mais ça n'a aucun fondement technique. On ne fait pas des versions du web !"


interconnexions des données

Structuration et automatisation des interconnexions de données...

Etre capable de dépasser la simple fonction de la donnée élémentaire pour en faire une donnée « intelligente » et interagissant avec l'ensemble de ses semblables afin de répondre aux demandes spécifiques des utilisateurs de tous horizons : aujourd'hui, on commence à voir comment faire, mais cela ne sera qu'une nouvelle évolution. Il faudra non seulement obtenir un minimum de changements infrastructurels pour que cela fonctionne, mais il faudra aussi de faciliter les interactions entre des données capables d'être exploitées dans le système aussi bien par les machines que par les hommes.

Selon Robin Berjon, "le web de base est lui-même devenu plus sémantique : il y a beaucoup de données qu'on peut extraire d'une page web de façon automatique. A l'avenir, on peut imaginer que chacun pourra manipuler des données complexes sans avoir besoin de grandes connaissances en informatique".

Concrétisé il y a un peu plus de 10 ans par le World Wide Web Consortium (W3C) -l'organisme de standardisation des langages web-, ce système permet de relier entre elles les informations qui jusque-là étaient traitées séparément. Le fonctionnement du web sémantique intègre donc au web actuel la possibilité d'agréger plusieurs données liées entre elles : soit "sémantiquement", soit par des attributs qui les déterminent.
Par exemple, pour la requête suivante : "femme politique 50 ans miami", un moteur de métadonnées sera capable de produire une liste de références correspondant exactement aux critères de recherches demandés (et nom un ensemble de résultats bruts, non structurés).

...et la confidentialité des données ?

La puissance du Web allant croissant, le W3C travaille aussi sur des principes de sécurité et de respect de la vie privée. Concernant la confidentialité des données, l'impact du W3C sur le Web est majeur et il ne manque pas de visibilité en France. Selon Robin Berjon, un projet qui va avoir un impact pour l'internaute est le travail sur le standard Do Not Track (DNT). Celui-ci permet à l'utilisateur d'indiquer qu'il ne souhaite pas être traqué de site en site par les régies publicitaires du Web. C'est donc un progrès pour la vie privée.

Ainsi, le web sémantique ne se nourrit pas que de données ouvertes : nos données personnelles participent énormément au système. Cependant, la confidentialité des données personnelles n'a pas été soulevé au moment où l'utopie du web sémantique a été formulée. C'est une question primordiale qui requiert l'attention de tous, aussi bien les grandes entreprises, les entreprises innovantes, que les développeurs et autres contributeurs..., car chacun risque de voir exploitées à mauvais escient l'ensemble de ses données personnelles avec des dérives auxquelles personne ne désirent être exposées.

Certaines initiatives existent déjà et contribuent à limiter les possibles débordements liés à l'exploitation des données personnelles, telles qu'en France avec le "traducteur de conditions d'utilisation de services web" -imaginé par un élève de Sciences Po, Hugo Roy, qui a créé un site web pour le moins original- : TOSDR ("Terms of Service, Didn't Read", jeu de mots sur une expression anglaise signifiant "pas lu, c'était trop long"), et la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés), qui a réuni le 30 novembre 2012, des experts du numérique qui ont débattu des enjeux de la vie privée à l'horizon 2020. Ainsi qu'aux USA, avec le projet de loi sur lequel travaille l'Assemblée d'Etat de Californie, première initiative publique visant à clarifier et "limiter les Conditions générales d'utilisation à 100 mots" des sites Internet pourrait voir le jour. L'Etat, berceau de la Silicon Valley, va proposer une loi afin de forcer les sites internet à résumer leurs CGU en une centaine de mots dans un langage "clair et concis".

L’avenir de notre société numérique ne pourra être serein qu’à la condition que ces questions reçoivent un traitement de fond et que de nouvelles solutions garantissent une sécurité relativement haute. Tout en restant conscients que l’inviolabilité totale reste impossible.

Le mouvement "open data"

Le mouvement "open data" (données ouvertes) pourrait être parfait pour le web sémantique, mais il reste à convertir l'ensemble des données vers de nouveaux formats adaptés au web sémantique. Cette conversion va prendre encore du temps, mais elle permettra de mieux les traiter. Ce ne serait pas si difficile, car ce travail est d'intelligence collective.

Pour que "l'open data" contribue efficacement au web sémantique, il faudra enfin encourager la publication de données de qualité. Le W3C participe de cette normalisation avec ses standards : les données ouvertes se classent par exemple de 1 à 5 étoiles qui permettent d'évaluer la facilité de leur réutilisation.

Le mouvement d'ouverture des données publiques ("Open Government Data") participe actuellement à la création d'espaces plus démocratiques et services publics plus transparents. Non seulement, ce mouvement permet à nos gouvernements d'atteindre certains objectifs de bonne gouvernance, mais, en outre, il sert de vecteur important pour la convergence de l'information.
Seulement, sans interconnexions des données, ni limites d'exploitation, ni sécurité, il sera difficile de considéré l'ensemble des données comme ouvert. L'objectif recherché étant de coopérer sans coordonner, c'est-à-dire rendre accessible des données sans avoir à déterminer quand, comment, où et par qui elles seront ultimement utilisées, et c'est exactement ce qu'il faudra viser avec ces nouvelles offres de services. Ce qui est loin d'être un projet abouti aujourd'hui.

Heureusement, les grands acteurs du Web participent dans leur grande majorité au W3C, lequel coordonne leurs contributions et leurs discussions. Ils veulent avoir une influence sur le Web de demain d'une façon ou d'une autre, ne pas se retrouver dans un rôle de suiveur technologique. Le fait que le W3C soit amplement ouvert aussi bien sur la communauté des développeurs du Web que sur les PME innovantes qui y font jeu égal avec les grands en font aussi un lieu de veille et d'échange de compétences particulièrement pertinent.

En faisant appel au crowdsourcing, le W3C espère que son initiative bénéficiera de la "sagesse des foules".


le mouvement de données ouvertes

Des changements de perception

L'évolution attendue du web 3.0 est une plus grande intégration des sources d’information, avec des réponses à nos requêtes plus intelligentes, plus pertinentes, et plus proches de l’humain. Bref, l’ère du Web 3.0 sera marquée par la déduction cognitive.

    Les langages derrière le web sémantique sont actuellement utilisés dans différents domaines d'applications, dont voici quelques exemples. Ils permettent :

  • d'agréger plusieurs données entre elles (ex : pour une image : le lieu, la date, le nom des personnes, l'auteur, la date de prise de vue, etc.) pour enrichir les possibilités de recherche d’informations et/ou se connecter avec d'autres membres.
  • la collecte pertinente d'informations en entreprise, via des logiciels qui collectent, analysent et structurent de grands volumes de données (ex : Exalead).
  • la recherche et le développement, notamment dans les domaines de pointe (ex : aéronautique, recherche médicale) via la création d'ontologies (ensemble de concepts et de paramètres caractéristiques d'un domaine spécialisé) destinées à agréger des données de conception et de production situées dans différents systèmes d'informations.
  • de décrire, de manière structurée, dans l'e-commerce via l'ontologie "GoodRelations", les produits, les prix, et les informations relatives à l'entreprise (ex : données de contact, ouverture des magasins, géolocalisation, options de paiement etc.). Ainsi, les moteurs de recherche peuvent mieux exploiter ces données essentielles pour les restituer dans leur contexte de recherche.

Il faut admettre que, ces dernières années, le pouvoir et les cercles d’influence ont été ainsi modifiés.
Avec l’arrivée des outils de partage de l’information (blogs, forums, commentaires...), le pouvoir est désormais rendu aux utilisateurs. Il est aussi intéressant de noter que les individus participent de plus en plus à la vie publique. Nous sommes passés dans une phase d’échange que le web 3.0 renforcera certainement, rendant le contenu de qualité plus important que le statut du contributeur.

Les applications Web 3.0 devront s’affranchir des paramètres de limites actuelles (différentes tailles d'écrans, différents navigateurs...) et se référeront à des bases de données dédiées. Ce Web "intuitif" interagira en proposant à l'internaute des liens plus ou moins pertinents en réponse à sa requête. Il "contextualisera" ces réponses en fonction de son historique de recherche,  l’actualité de son réseau social, des liens qui peuvent exister entre ces réponses, etc.

En clair, un web plus intelligent qui comprendra les requêtes des utilisateurs et offrira de nouvelles perspectives d'exploitation rentable et performante aux entreprises. Tout un monde de possibilités... 

Conclusion

On peut imaginer que demain, l’évolution technologique permettra une "intégration intelligente" multi-acteurs et multicanal. Ainsi, tout contenu en ligne efficace et de qualité, services et commerce inclus, offrira une parfaite interaction cohérente et spécifique entre différents acteurs plus spécialisés et participera de cette manière aussi bien à la chaîne de diffusion pertinente qu'à celle de vente.

Le web sémantique recoupe aujourd'hui des besoins transversaux et bénéficie de l'intérêt grandissant des principaux acteurs du web. C'est un marché en plein essor dont l'ensemble des applications restent encore ouvertes aux nombreuses possibilités qu'il suffit juste à chaque entreprise et/ou particulier d'inventer.

Le web sémantique apportera donc de nouvelles opportunités et davantage de services pour tous. Il reste à chacun de faire preuve de cohérence et de vigilance afin d'éviter de se fourvoyer dans des directions inappropriées susceptibles de rendre cette évolution plus nocive que positive.

Bienvenue dans l’ère du Web 3.0, l'ère du web intelligent.

Et, si vous avez une question ou besoin d'un conseil, n'hésitez pas à me contacter.

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