Crowdsourcing : l'expertise des internautes au service de l'entreprise

S'ouvrir aux contributeurs extérieurs, spécialistes et particuliers, pour résoudre des problèmes spécifiques ou concevoir de nouveaux produits : c'est le principe du crowdsourcing.

1. Le crowdsourcing, c'est quoi ?

Le terme crowdsourcing a été utilisé la première fois par Jeff Howe du magazine Wired, dans un article publié en 2006.

Il s’agit –pour les entreprises qui recourent à cette pratique– d’utiliser le temps disponible des internautes pour créer du contenu, résoudre des problèmes, voire faire de la R&D. Le crowdsourcing peut être traduit par l’expression suivante : "l’approvisionnement par la foule".

C'est l'application du principe de l’open source –dont l’appellation française "logiciel libre" peut prêter à confusion-, qui prend ses racines au début des années 90 dans la communauté des développeurs informatiques, en dehors du domaine des logiciels. Le code source du logiciel est ouvert et permet à la communauté de se l’approprier mais aussi de l’améliorer sans cesse.

Un des exemples les plus anciens et significatifs est le projet Linux, système d’exploitation libre qui, dès 1991, voulait barrer la route au géant Windows.


collaborative attitude

2. Adopter la collaborative attitude

Pour Alec Ross, conseiller d'Hillary Clinton, "Parfois, la sagesse de la foule peut-être plus grande que celle d’un expert."

Le web dans sa forme actuelle, qui allie aussi bien aisance technologique qu'interaction sociale perpétuelle entre les internautes, rend possible une collaboration efficace d'un grand nombre d'individus autour de projets communs.
Dans cette optique, l’encyclopédie gratuite Wikipédia s’enrichit –chaque jour- grâce aux contributions de milliers de bénévoles à travers le monde entier.

L’émergence du crowdsourcing a été favorisée par l'apparition du web 2.0, ou web participatif, qui repose sur l’ensemble d’une communauté et qui représente une ressource de création importante sur laquelle peut s'appuyer l'entreprise pour directement répondre à des besoins spécifiques.

Désormais l'internaute n'est plus un simple visiteur, il devient un acteur à part entière sur le Web. De façon individuelle ou intégré au sein de communautés, l'internaute participe à l'évolution de services, à la rédaction de contenus, à la notation de produits...

Certaines entreprises vont même jusqu'à encourager la contribution des utilisateurs et entraîne des "effets de réseaux" dus à l'effet démultiplicateur des mises en relations à grande échelle.

L'"expertise de la foule" est une simple opération mathématique : quand un très grand nombre de personnes sans relations entre elles évaluent les probabilités d'une situation, la moyenne de leurs opinions est généralement meilleure que les approximations des experts les plus compétents.

Ainsi, Facebook sait tirer parti des liens qui nous unissent à nos "amis". Et, là, PriceMinister offre une place de marché (et un mécanisme de paiement) sur laquelle nous faisons tout le travail : présenter ce que nous mettons en vente, acheter, et noter mutuellement le sérieux des autres. Quand des millions de personnes sont connectées à un système qui s'alimente de leurs connaissances ou de leurs contributions, on peut voir émerger la mise en commun de l'intelligence collective ou le crowdsourcing.

D'autres exemples d'applications de crowdsourcing :

  • Waze, un GPS social gratuit, permet aux automobilistes de signaler l'état de la circulation là où ils se trouvent et ainsi de bénéficier des informations les plus actualisées. Créé en Israël, Waze est disponible depuis 2010 en France.
  • Reevoo permet de connaître l'avis de nos semblables sur des appareils que nous envisageons d'acheter : caméras, ordinateurs...
  • Ahhha propose aux inventeurs en herbe de mettre en ligne leurs idées et de les soumettre à l’avis des internautes en vue de concrétisation. Son créateur, Matt Crowe, l'a baptisée “social ideation”, l’innovation sociale au goût 2.0.

3. Plus qu'un simple outil pour le développement

La mondialisation impose de nouvelles contraintes aux entreprises françaises qui doivent absolument rester compétitives dans une économie en perpétuelle ébullition. Elles doivent s'adapter et demeurer performante en innovant ou en proposant des solutions adaptées aux besoins identifiés dans leur domaine.
Or, trop souvent les entreprises manquent de ressources pour faire face à cette forte concurrence et elles se doivent de trouver d'autres façons de se développer et de pérenniser leur activité.

C'est dans cette optique que prospère de plus en plus le crowdsourcing au sein des entreprises. Il représente une alternative à fort potentiel pour un coût moindre et offre une myriade de possibilités auxquelles les entreprises ne pensent pas forcément par elles-mêmes.

Une approche extérieure offre très souvent d'autres perspectives et d'autres potentialités plus proches aussi bien de la stratégie de la marque que des besoins du client. Et, qui mieux que lui est à même de définir précisément ce dont il a besoin ?

Le crowdsourcing va se traduire par des échanges entre une marque et un public via un réseau social ou une plateforme dédiée. Les idées sont proposées et améliorées par les contributeurs et finissent par être validées par les entreprises requérantes moyennant cadeaux ou rétributions.

Ainsi, le crowdsourcing est de plus en plus utilisé pour :

  • créer un nouveau produit ou service avec la contribution de clients, prospects, et autres partenaires,
  • contribuer à l’enrichissement d’un contenu ou d'une offre internet (Fotolia.fr, slideshare.com, ...),
  • le marketing : logo, slogan, nom de produit, plaquette, site web...
  • la promotion et la diffusion

Ce qui renforce l'implication du client vis-à-vis de la marque qui devient une valeur sûre aux yeux de celui-ci puisqu'elle est volontaire et bénévole. Enfin, elle développe chez lui une forte appartenance à une communauté de privilégiés dont il n'hésitera pas à faire la promotion auprès de son entourage.

Ce qui s'apparente à un échange "gagnant-gagnant" aussi bien pour l'entreprise que pour l'internaute contributeur.

4. Les formes de crowdsourcing

Ce concept consiste à externaliser une tâche auprès d'un public volontaire que l'on retrouve au travers de diverses communautés :

  • le club d'experts

    Le club est constitué d'une sélection d'experts spécifiques indispensables pour solutionner la complexité du ou des besoins. La constitution d’un groupe de spécialistes est donc privilégiée par l’entreprise dans l'attente d'un résultat en adéquation. C’est donc la qualité des expertises qui prime et non la quantité qui est recherchée.

  • le groupe d’intérêt commun

    Ce groupe est basé sur le principe de rapprochement entre des compétences diverses (techniques, organisationnelles, juridiques) nécessaires à la résolution d'un intérêt commun ou d'une tâche spécifique. Une sorte de brainstorming de spécialités avec comme même objectif l'amélioration et l'évolution d'un ou de plusieurs domaines particuliers (création de normes, de règlements).

  • le groupe de pairs

    On retrouve ici le principe d’open source chère à la communauté des développeurs informatiques. Un groupe indéfini de programmeurs mettent leurs connaissances en commun afin de créer et faire évoluer un logiciel.

  • la co-création

    Cette pratique fonctionne sur le principe de l'implication du client (ou de l'utilisateur) final dans la chaîne de valeur de l'entreprise. En effet, les internautes participent directement à l’élaboration, l’expérimentation ou la distribution d’un projet ou d’un produit et génèrent une valeur supérieure.

    Dans ce cas, la collaboration s’appuie sur un grand nombre de contributeurs à l’inverse du club d’experts. La co-création est riche et génératrice de créativité et augmente les chances de trouver «l’idée» qui fera la différence.

    En sollicitant la communauté des internautes sans discrimination, on cherche à augmenter la probabilité de trouver "LA" solution au problème posé.


collaboration partagee

5. Les bénéfices et limites du crowdsourcing

Certes, le crowdsourcing est de plus en plus utilisé par les entreprises qui peuvent réunir les ressources dont elles ont besoin et à n'importe quel individu de contribuer aux projets de son choix. Valorisation pour certains, exploitation pour d'autres, ce modèle est basé sur le volontariat et tentons d'en définir les bénéfices et limites.

Tout d'abord, arrêtons-nous sur les bénéfices du crowdsourcing :

  • la valorisation de son savoir-faire pour l'internaute

    Contribuer à la réussite d'un projet ou la conception d'un nouveau produit ou service de l'entreprise renforce le sentiment de valorisation du savoir-faire de l'internaute et facilite son appropriation.
    Si j’ai mon mot à dire sur la conception du nouveau produit, il devient un peu le mien et je vais plus facilement m’identifier, le partager avec mon entourage et en faire la publicité.

  • le choix pour l'entreprise

    La quantité offre le choix, même si elle n'est pas forcément synonyme de qualité. Ce qui impose à l'entreprise une implication importante dans le dépouillement des propositions émises par les internautes.
    Et, il y a fort à parier que, dans le lot, l'entreprise trouve des propositions ou idées à son goût et qui répondent à son besoin.

  • fédérer une communauté autour d'une idée ou d'un concept de l'entreprise

    Faire appel à des contributeurs divers renforce non seulement le sentiment d'appropriation des différents intervenants (clients, salariés et autres partenaires de l'entreprise), mais en plus les fédèrent unanimement autour du projet. Ce qui impacte positivement l'image de marque de l'entreprise et contribue à appuyer sa notoriété.
    Ainsi, Creads.org, par exemple, l'agence participative, propose un double système de votes et de commentaires dans lequel créatifs et parties prenantes de l'entreprise peuvent donner leur avis sur les productions. Si vous n'êtes pas obligé de suivre leurs recommandations, cela a le mérite de les impliquer dans la vie de l'entreprise.

Et maintenant, découvrons les limites du crowdsourcing qui agitent toujours et encore ses détracteurs :

  • la valeur marchande de l'idée

    Le crowdsourcing est certes un modèle économique à moindre coût pour l'entreprise, mais comment définir la valeur marchande de l'idée proposée par l'internaute ?

    Aux États-Unis, InnoCentive se lance dès 2001 dans cette aventure qui consiste à ouvrir l'innovation à tous. Le site attire d'un côté des ' seekers ' (des organisations qui ont un problème à résoudre) et de l'autre des ' solvers ' (des scientifiques, des ingénieurs, des inventeurs de toute sorte).
    Les seekers publient sur le site des défis techniques ou théoriques. Les solvers proposent des solutions. Mais ils ne se remuent pas les méninges uniquement pour la gloire : des récompenses sont attribuées, qui peuvent aller jusqu'à un million de dollars.
    Le site couvre des domaines comme les sciences de la vie, la chimie et l'informatique.

    C'est justement un des nombreux débats qui agitent la sphère du crowdsourcing et pour lequel aucune véritable solution n'existe. Certes, des entreprises offrent une rémunération, plus ou moins adaptée, à l'internaute en échange de la renonciation à ses droits d'auteur et la libre-exploitation de celle-ci par l'entreprise.

    Seulement, des affaires telles que celle de LinkedIn VS ATA démontrent combien la rémunération des contributeurs reste encore très polémique et problématique dans le domaine du crowdsourcing.

  • la propriété intellectuelle

    Et qu’en est-il des droits d'auteur et de la propriété intellectuelle ?

    Le code de la propriété intellectuelle reconnait la possibilité pour un auteur de mettre à disposition du public et gratuitement son œuvre.

    Les entreprises ont de plus en plus recours à cette pratique dans le cadre d’un concept plus global d'Open innovation. Il s’agit alors de mettre en commun des idées, des projets avec des fournisseurs, des clients, et également des entreprises sans lien direct avec son activité. L’objectif étant de profiter des expériences et des attentes de chacun pour améliorer sa propre compétitivité.

    Cependant, il est primordial pour les entreprises de définir l’ensemble des contraintes juridiques au préalable, au besoin de les contractualiser, afin d’éviter toutes déconvenues avec les contributeurs. Mais, surtout, elles doivent rester attentives à l'ensemble des contributions pour anticiper toutes dérives susceptibles de freiner, voire d'annuler leur projet de crowdsourcing .

  • validation des sources et des auteurs

    Filtrer et vérifier l’information obtenue est une étape cruciale pour exploiter au mieux les contributions générées par le projet de crowdsourcing. En effet, le modèle exige la mise en place d'un processus interne de validation tout en respectant le cadre législatif. Il est préférable d'éviter tout plagiat ou fausse information dont les conséquences seraient désastreuses pour l'entreprise.

    Certaines plateformes ont simplifié leur procédure de validation. Elles sollicitent des groupes de spécialistes pour filtrer et évaluer l’intérêt de la proposition avant de la publier.

    Cependant, la vigilance est de mise. L'entreprise doit pouvoir certifier la pertinence de l'information et assumer ses responsabilités face à la validation de celle-ci. C'est sa propre crédibilité qu'il engage d'autant plus que la diffusion de celle-ci échappe à tout contrôle et se répand de plus en vite. Elle se "like", se "tweet", se "retweet" et se "curate", reléguant l'auteur initial à un obscur anonymat sans aucune raison. Une simple rumeur au réveil devient trop facilement une information véridique quand vient le soir à force de diffusion sur une multitude de plateformes.

    D'où l'obligation de légitimer obligatoirement l'ensemble des informations validées et exploitées par l'entreprise avec certitude.

    Quant au crowdsourcing, le bénéfice est évident en termes d’enrichissement personnel. En confrontant son savoir à la communauté, chaque contributeur fait évoluer ses propres connaissances. Les communautés scientifiques fonctionnaient déjà ainsi bien avant que les entreprises ne s'emparent du crowdsourcing !

6. Conclusion

Qu'il s'agisse de « l'expertise de la foule » ou du besoin exprimé par l'entreprise, le crowdsourcing offre de nombreuses perspectives qu'il appartient à chacun de tester afin d'en découvrir les limites et les avantages. Il ouvre un champ de possibilités dont il est encore difficile de connaître l'ensemble des implications.
L'intérêt de recourir au crowdsourcing est loin de faire l'unanimité parmi les entreprises françaises dont les appréhensions et abus possibles demeurent un obstacle de taille.

Comme tout nouveau modèle, le crowdsourcing est en recherche d’équilibre. Un nouveau modèle d’affaires doit voir le jour afin de permettre aux entreprises, mais aussi à la «foule», de s’y retrouver.

Et, si vous avez une question ou besoin d'un conseil, n'hésitez pas à me contacter.

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